Petit ange parti avant que son troisième épisode ne connaisse les joies d'une commercialisation, la série des Fear Effect a su, sous la houlette d'Eidos, se faire une place sous le soleil vidéoludique. C'était au début des années 2000 sur PlayStation. Avant un retour programmé du premier volet avec le soutien de Square Enix, les bretons de Sushee, à qui l'on doit le sympathique Goetia, se fendent d'un spin-off financé via Kickstarter. Un projet de fans proclamés. Mais la passion suffit-elle pour devenir roi de la tribu de Hana ?
Nous voilà quatre ans après le job de Hong Kong et son voyage en Enfer, Hana Tsu-Vachel file toujours le parfait amour avec Rain Qin. Et prend toujours les petits boulots pas très légaux qu'on lui propose. Cette fois, c'est une statuette à récupérer qui lui permettra de se remplir les poches. Vous vous doutez bien que le plan ne va pas se dérouler sans accroc. Et en compagnie d'une vieille connaissance, Axel, travaillant pour les services secrets français, ainsi que ses vieux complices Deke et Glas, elle va se retrouver prise dans une histoire faite de monstres et de divinités eskimos pas très gentilles.
Retiens l'Inuit
Comme vous le saviez peut-être déjà, Fear Effect Sedna abandonne la représentation usuelle de la série, calquée sur celle de Resident Evil. Le rendu cel-shading des différents personnages demeure, assez joliment, mais la progression à la troisième personne selon des angles de caméra fixes sur des décors en Full Motion Video laisse place à une vue isométrique dans des environnements dessinés, plus adaptée à de nouvelles mécaniques. Si, à la manette, la pesanteur des déplacements, la possibilité de s'agenouiller pour plus furtivité et autres roulades rappellent les deux premiers volets, on évolue dans une autre dimension, plus tactique. On constate bien vite que si l'on dirige un protagoniste, d'autres peuvent le suivre - ou pas. Et même qu'on a droit de switcher à tout moment pour profiter d'armes ou gadgets spécifiques à chacun : Glas dispose de tourelles, Deke peut tout cramer avec un lance-flamme, des mines et projectiles rebondissants sont à disposition de Hana, Rain a le pouvoir de poser des leurres... Voilà qui promet, normalement, une progression palpitante. Sauf que, comme pour la mission, tout ne se passe pas comme prévu.
Pire effet
Mixant infiltration, action et puzzles, Fear Effect se trouva fort dépourvu lorsque la question du fun fut venue. On ne peut nier que l'amour de la licence transpire de son esthétique et de son ambiance sonore, ce qui aide fortement à vouloir se rendre à la fin du jeu, elle aussi d'une fidélité que les fans ne pourront que saluer. Il faut néanmoins avouer qu'en dehors des casses-têtes, souvent bien sacqués mais plaisants (comme dans Goetia), le reste est quasiment impossible à sauver. Avancer à pas de loup, en trouvant des couvertures, ne sert à rien : les gardes sont sourds. Vous pouvez tout à fait courir pour vous accroupir au dernier moment et les tuer discrètement. Vous êtes aussi en mesure d'en zigouiller un, partir, vous foutre qu'il soit découvert et voir tous ceux de la zone se pointer. Exécuter ces truffes n'aura alors rien de compliqué. En dehors de quelques phases très scriptées, la jouer bourrin ne se voit pas trop sanctionné. Y compris lorsqu'on affronte des boss, rébarbatifs au possible mais souvent cotons, les fusillades ne provoquent aucune émotion. Hormis l'agacement quand le verrouillage n'en fait qu'à sa tête. Ce qui n'est pas rare.
Ajoutons à cela que la pause tactique, pour planifier ses prochaines actions, ne démontre à aucun moment un avantage face au temps réel - surtout que les medikits sont généreusement distribués - et on tient, en dépit de quelques efforts en direction de la variété des situations, quelque chose de terriblement plat. Mais ce n'est pas tout. Parce qu'on peut toujours empirer une situation déjà peu glorieuse, voilà que les checkpoints ont été pensés avec... Ah non, ils n'ont sûrement pas été pensés. À moins qu'on me prouve que faire gambader le joueur un moment ou l'obliger à se retaper une cutscene (en plus d'un écran de Game Over irritant par ses micro-chargements) juste avant un combat un peu chaud ou un puzzle qui peut l'envoyer ad patres en un seul faux mouvement fasse partie du concept. Laissez-moi douter.
Au nom d'Hana ?
On pourrait s'arrêter là mais ce serait passer sous silence d'autres problèmes qui pourraient planter le dernier clou dans le cercueil de la volonté des fans les plus hardcores. Durant les quelques cinq heures de jeu très moyennes qui nous séparent du dénouement, il va falloir se fader une mise en scène clairement statique, pas assez WTF et très édulcorée en termes de violence graphique, flinguée par des doublages en langue anglaise d'une qualité exécrable. Mention spéciale à la voix de Deke, en-dessous de tout, qui nous sort sans peine d'une expérience certes déjà pas fabuleuse mais qu'on aurait aimé peut-être plus directe et moins cloquée de problèmes à tous les étages.